Titre: Brigade des mineurs
Auteurs: Raynal Pellicer/ Titwane
Editions: La Martinière
Date de parution: 2017
Je fais ma rentrée avec une bande-dessinée. Je sors donc de dans ma zone de confort et de mon domaine d’expertise. Soyez donc indulgents et suivez-moi dans ma découverte de la bd.
Je vous présente donc aujourd’hui Brigade des mineurs de Raynal Pellicer et Titwane. J’ai acheté cette bande-dessinée au festival Les Courants à Saint-Ouen-les-vignes au mois de juin. On pouvait rencontrer Titwane pour une dédicace. J’avais découvert son travail et celui de Raynal Pellicer dans un numéro de La Revue dessinée où un article dessiné abordait les attentats de Charlie Hebdo. J’avais été bluffée par les dessins et la netteté des propos.
Pour réaliser ce récit dessiné, Raynal Pellicer, réalisateur de documentaires et écrivain, a passé deux mois en immersion dans les bureaux de la BPM et Titwane une semaine. Titwane, qui fait partie de l’atelier Cachalot à Tours, s’est appuyé sur les photos et le récit de Raynal Pellicer. Pourtant, le récit ne semble écrit par deux personnes différentes. On a plutôt l’impression qu’il s’agit du carnet de notes illustrés d’un seul individu. En fait, cet effet d’unité est créé par la police d’écriture qui reproduit l’écriture manuscrite de Titwane.
Cette bande-dessinée nous présente la Brigade de Protection des mineurs, une brigade spécialisée de la police judiciaire de Paris, qui compte 80 fonctionnaires et qui fonctionne 7jours/7 et 24h/24. Elle s’organise en deux sections : la section intrafamiliale qui gère les affaires internes aux familles et la section opérationnelle qui s’occupe des affaires dont on ne connaît pas l’auteur. Si les auteurs se sont intéressés à cette brigade c’était pour le terme de protection qui apparaît dans le nom mais bien vite on les rappelle à l’ordre : « Nous ne sommes pas une brigade de protection ! Nous sommes une brigade de REPRESSION contre ceux qui font du mal aux enfants » et « Si c’est pour faire pleurer la ménagère, édulcorer notre quotidien ou nous servir un truc larmoyant de plus, c’est pas la peine ! ». Ok, on est prévenu et je peux vous assurer qu’on n’est pas épargné : prostitution de jeunes adolescentes, proxénétisme, traite des êtres humains, fugue, bébés secoués, attouchements, viol, prédateurs sur internet… Le récit alterne affaires suivies et portraits de membres de la brigade. 200 pages d’une plongée dans l’intime et le sordide.
J’ai été frappée par la précision du récit et l’absence de l’aspect pathétique dans lequel on aurait pu tomber. Le reportage n’est pas pour autant neutre mais il s’efforce de ne pas juger. Malgré l’horreur de certains faits, malgré le malaise engendré par certaines situations, je ne me suis jamais sentie dégoûtée ou en colère, grâce à cette écriture nette et factuelle. Par contre, on ne ressort indemne de cette confrontation avec les monstres tapis en l’homme.
Le récit s’efforce de montrer objectivement la réalité du terrain : les affaires de durée et de difficulté variées s’enchaînent à un rythme effréné. La brigade gère 1600 affaires par an. « On n’est pas à la Crim’ ! » comme dirait le commissaire Dyevre. La force du récit réside dans la capture des tics de langage, dans les attitudes des corps, dans le détails du claquement de la tuyauterie du chauffage. Le récit et les illustrations remplacent le micro et la vidéo de sorte que le lecteur est aux côtés de ces policiers, dans l’étroitesse des locaux, avec les victimes et avec les criminels.
Et que dire des dessins ! Titwane emploie plusieurs techniques mais l’aquarelle revient le plus souvent. Cela donne un effet « pris sur le vif » mais en même temps la ligne noire offre une précision quasi photographique qui ajoute à l’écriture réaliste du récit. La mise en page qui semble déstructurée et naturelle ajoute à cette impression de croquis. Certaines planches, en particulier des plans sur l’architecture de Paris, sont à couper le souffle. Quand on re-feuillette l’album après lecture, on prend plaisir à admirer les dessins mais on n’a pas vraiment envie de replonger dans les affaires de la brigade. Cela procure une sensation très étrange qui renforce l’impact de ce récit graphique.
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