Titre: Introduction à la littérature de jeunesse
Auteur: Isabelle Nières-Chevrel
Édition: Didier Jeunesse
Collection: Passeurs d’histoires
L’ouvrage se revendique comme une introduction à la littérature d’enfance et de jeunesse, c’est-à-dire qu’il se propose de donner des repères et de poser quelques grandes questions liées à cette littérature. Ce que cherche à montrer l’auteur c’est qu’il y a une véritable histoire de la littérature de jeunesse, de ses formes et motifs topiques. Le livre prend aussi une forme didactique et accessible puisqu’il est issu des cours données par Isabelle Nières-Chevrel destinés à des étudiants issus de formations très différentes.
Partant du problème initial qui est celui de la dénomination et de la caractérisation de la littérature de jeunesse, l’auteure retrace ensuite l’histoire du genre depuis les premiers ouvrages destinés spécifiquement à la jeunesse. La question des évolutions de la production éditoriale ainsi que des disparités et hiérarchies internes au genre continue de se poser et incite les lecteurs à porter un oeil plus attentif sur la littérature de jeunesse. Ces questions sans réponse montrent bien que l’ouvrage cherche à stimuler l’intérêt et à ouvrir les champs de la recherche. L’auteure aborde ensuite la question des origines orales de la littérature de jeunesse ainsi que le cas de l’écrivain pour les enfants.
Un chapitre est consacré aux caractéristiques particulières de l’écriture de la littérature de jeunesse: l’aspect didactique des œuvres, la forme romanesque, les choix de narrateurs, de personnages, de construction du récit. J’ai trouvé cette partie vraiment stimulante car elle interroge l’art du récit et prouve que la littérature de jeunesse n’est finalement pas un genre mais plutôt un champ éditorial. En effet, la littérature de jeunesse use des mêmes outils littéraires que la « vraie » littérature. Elle s’inscrit donc dans la littérature générale mais elle gagne aussi progressivement une forme d’autonomie à l’intérieur même du champ littéraire.
Le chapitre suivant étudie la forme particulière de l’album de jeunesse puis des personnages animaux, singularité propre à la littérature de jeunesse. Le personnage enfant est aussi étudié dans ses détails: famille, rôle, relations aux autres enfants, type de comportement. Ce chapitre très riche s’appuie sur un ensemble d’exemples pour les mettre en relation et faire surgir la complexité de ces personnages.
Le principe de la réécriture, à la fois par la traduction et par l’adaptation est la dernière question complexe. Elle cherche à la fois à mettre à la portée des enfants des textes classiques à destination des adultes mais elle opère aussi parfois une forme de trahison du texte d’origine soit par excès de simplification, soit par censure morale. Ces réécritures de mauvaise qualité dénoncées par l’auteure souligne la hiérarchisation de la littérature de jeunesse, en particulier entre la littérature commerciale et la littérature de qualité. Il m’apparaît inquiétant qu’on puisse mettre entre les mains d’enfants des œuvres médiocres sans le savoir. L’auteure laisse apercevoir que la grande machine de l’édition n’est pas toujours aussi saine qu’on veut bien le croire.
Ce livre m’a paru plus problématisé et plus approfondi et peut-être plus engagé que La littérature de jeunesse de Nathalie Prince, et pourtant il ne s’agit que d’une introduction vraiment accessible à tous. Je ressors de cette lecture plus curieuse que jamais d’approfondir mes connaissances de la littérature de jeunesse.
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