Joël Pommerat – deux réécritures de contes de fées

J’ai très récemment découvert le dramaturge Joël Pommerat. A force de voir des extraits de ses pièces dans les manuels scolaires, j’ai fini par me procurer deux de ses pièces. J’ai volontairement choisi deux réécritures de conte de fées. Pourquoi? Parce que je suis passionnée par les réécritures des contes, mythes et légendes. J’aime cette sensation de connu et d’inconnu procuré par l’art de la variation, du décalage souvent surprenant. Et surtout chaque réécriture soulève le voile sur un nouveau sens de l’histoire. Cela révèle à quel point la littérature et ses motifs sont inépuisables.

Le Petit Chaperon rouge – synopsis

Une petite fille, qui se sent très seule, réussit à convaincre sa mère de la laisser rendre visite à sa grand-mère. En route, elle rencontre, évidemment, le loup. Ils font connaissance mais le loup est rusé…

Cendrillon – synopsis

Une très jeune fille a du mal à faire le deuil de sa mère. Elle en ressasse les dernières paroles. Elle croit qu’elle lui a demandé de penser à elle tout le temps afin qu’elle ne meure pas vraiment. Son père, quant à lui, se remarie avec une femme malveillante, brutale et ambitieuse. Heureusement pour la très jeune fille, la rencontre avec une fée et un prince vont changer les choses.

Ces deux pièces de théâtre sont d’abord à destination des enfants. Cela peut sembler logique puisqu’il s’agit de contes de fée. Mais Joël Pommerat ne rend pas ces pièces enfantines. Si les situations sont présentées directement, sans contournement, dans la crudité des faits et si le langage employé est très proche de l’oral, les récits sont loin d’être aussi simples qu’on pourrait le prévoir.

Comme tous les contes, les deux récits se déroulent dans un monde un peu flou. Les lieux, les époques ne sont pas clairement déterminés. Nous avons un château, une maison de verre, la forêt, etc… Les personnages eux-mêmes semblent se réduire à leur fonction : la fée, la mère, le père, la marâtre. Ce choix du conte a plusieurs intérêts. D’abord il met le spectateur en terrain connu. Même les enfants les plus jeunes connaissent ces deux histoires. Ce canevas connu de tous permet au spectateur, petit ou grand, de comparer les versions, de mesurer les écarts et différences. Il peut aussi goûter la surprise d’un décalage ou d’une modification de la trame. Mais surtout le conte est issu d’une longue tradition orale et populaire. Il a une fonction initiatique qui permet de préparer à affronter le monde en apportant des réponses symboliques aux grandes problématiques humaines. C’est donc dans cette tradition que s’inscrit le choix de la réécriture théâtrale, finalement.

Les deux pièces explorent des thématiques familiales et humaines : le deuil, les relations inter-générationnelles, la peur, la solitude… On pourrait ajouter que la pièce Cendrillon explore aussi la force de la parole. En effet, ce sont des mots mal compris qui façonnent la jeune fille. Mais surtout ce sont les mots ou leur absence qui établissent des frontières et des liens entre les personnages, surtout au sein de la famille. Les mots créent des fictions, parfois mensongères, comme pour le Prince qui attend indéfiniment le coup de téléphone de sa mère, ou réelle quand la mère joue le loup et prépare sa fille à l’affronter.

Ces deux pièces m’ont semblé être des histoires qui mettent en scène des enfants qui s’émancipent de l’enfance, qui gagnent leur autonomie soit en affrontant leur peur soit en affrontant le deuil.

Je finis par une petite précision: Je n’ai pas vu de représentation de ces pièces. Et comme Joël Pommerat écrit et met en scène ses pièces, j’imagine que la scène offre une dimension tout autre au texte.

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